• - S'incarner adulte

    Très bon texte de Franck Hatem...

    S'INCARNER ADULTE


    Avez-vous déjà entendu ces signes de mauvaise incarnation, de mauvaise acceptation de l'existence terrestre ?

    Je n'ai pas envie de vivre. Je m'arrange pour qu'on me prenne en charge. je préfère que les autres décident. Etre heureux ou pas, cela m'indiffère. Vivement ce soir qu'on se couche. La vie n'est qu'un mauvais moment à passer. A quoi bon se fatiguer, tout cela disparaîtra. J'ai l'impression d'être spectateur. La vie se fait sans moi. Seul Dieu compte, le reste est sans intérêt. Je ne sers à rien. Personne n'a besoin de moi. J'ai envie d'être ailleurs. Je suis toujours entre deux valises. Je n'ai ni meubles ni attaches. Le monde est trop moche pour moi. J'ai toujours envie de dormir. Je n'en ai jamais assez. Il me faut tout tout de suite. Si ce n'est pas parfait, cela ne vaut rien. On n'arrivera pas à tout changer. Il n'y a pas de place pour moi ici. L'amour doit être inconditionnel ou rien. Il n'y a pas d'amour. On est trop séparés les uns des autres. Les gens ne comprennent rien. Ce serait tellement simple si on s'aimait tous. Pourquoi tant d'inégalités, de différences ? Je ne me sens bien que quand je suis seul ; l'autre, c'est l'enfer. J'ai toujours l'impression d'être privé de quelque chose. L'argent, voilà l'ennemi. Parfois, j'ai l'impression que tout est vide, que rien n'existe. J'ai envie de mourir. J'ai envie de retrouver mes frères. Je déteste monter dans une voiture ou à cheval. Je déteste mon corps, je n'arrive pas à m'y habituer. Le corps, c'est sale. La matière, c'est le mal. Je ne suis bien que dans la spiritualité. Je suis incapable de faire un jogging ou de danser. Il faut en finir avec la reproduction. Les enfants sont des plaies. Ce serait tellement simple si l'humanité s'éteignait. Etre mère ? Quelle horreur ! Ma mère a souffert à ma naissance. Je ne risque rien, je n'ai pas de famille. Dans la vie, il ne faut jamais prendre de risques. J'ai toujours mal quelque part. Quelle idée d'avoir un sexe ! J'évacue trop. Ou pas assez. J'ai peur de souffrir. J'ai peur d'aimer, de m'engager, de décider. Je préfère qu'on me commande. Créer une entreprise ? C'est de la folie. Je trouve toujours mille raisons de ne pas faire ce que je décide. Je n'étais pas un enfant désiré. J'aurais voulu avoir un autre destin. La vie s'est liguée contre moi. Je ne sais pas ce que je veux. Je n'ai pas de but. Je déteste vieillir. Il est trop tard pour agir. Pourquoi tout ça ? Il faut toujours se battre, j'en ai assez. Si au moins les autres agissaient aussi. Qu'attendent les Extraterrestres pour venir me chercher ?

    Qui n'a pas reconnu un de ses travers de pensée, un de ses réflexes de vie, dans cette énumération de symptômes ? Symptômes de quoi ? De la même affection : la peur, ou le refus de s'incarner, d'être incarné.

    L'incarnation est la souffrance première : je suis l'être infini, et il faut que je m'enferme dans un corps minuscule ! Que par la même occasion je perde l'essentiel de ma mémoire, de ma connaissance, de mes pouvoirs psychiques, et surtout, je perds la joie de l'unité pour tomber dans les affres de la séparation. Qui plus est, ce corps que je n'ai plus l'impression d'avoir choisi et décidé, dont j'ignore désormais et l'origine et le but, ce corps est un facteur de douleur, de vieillesse, de maladie, de limitations insupportables. Que ne suis-je resté où j'étais !

    Pour tout cela, j'essaie de fuir l'incarnation, je m'incarne à reculon, j'essaie de rester enfant, dépendant, je garde la nostalgie de la fusion avec l'autre, que je recherche sans grand succès dans mes couples, mes associations, mes découvertes du monde et de l'esprit, mais finalement, ce que j'ai encore trouvé de mieux, c'est de ne rien faire, d'attendre qu'on en finisse, de chercher des paradis artificiels ou spirituels, en évitant tout ce qui risque de me faire souffrir ou perdre quelque chose, éternel adolescent évitant de s'engager, spiritualiste méprisant la matière, amoureux tiède, sans maison ni obligations, ou encore malade psychiâtrisé certain de ne plus prendre contact avec le réel.

    C'est bien beau de fuir, mais c'est absurde lorsqu'on a compris qu'on ne peut pas échapper à la vie. Le seul moyen d'en finir avec l'incarnation, désir somme toute légitime puisque la nature de l'être est infinie, c'est de vivre l'incarnation au maximum, compte-tenu que ce que j'accepte et aime, je n'en ai plus besoin, et je cesse de le créer dans mon univers. Si je veux l'unité, il est urgent que j'aime la dualité. Si je veux la paix, il est urgent que je me délecte des conflits. Si j'ai peur de souffrir, il est indispensable que je me surpasse dans des actes de bravoure, et que je prenne le risque de perdre l'autre et son affection. C'est le seul moyen : s'incarner.

    Une chose est certaine : si j'ai un corps, c'est que j'en ai besoin. Le jour où je n'en aurai plus besoin, je n'en aurai plus. Et pour ne plus en avoir besoin, il faut être capable de tout avec ce corps, en avoir vécu toutes les expériences, et accepté toutes les limites. Si mon acquis dépasse ce qu'un corps peut m'apporter, il est clair que je ne connaîtrai plus les affres (c'en sont) de la naissance.

    Aussi longtemps que je traîne les pieds et ne cherche pas à être heureux par peur de perdre le bonheur, ou que je n'ai pas d'engagements sociaux ou familiaux, de peur d'en subir les contraintes et les risques, ou que mon corps ne devient pas un ami avec lequel je suis merveilleusement à l'aise, il est clair que la vie peut encore m'apporter beaucoup. Je ne me débarrasse que de ce que j'aime. Ce que je rejette, je le crée. C'est en ce sens que la peur est le phénomène créateur. On ne peut cesser de créer. L'être est créateur par nature. Vouloir le néant est absurde. C'est le fait de créer, dans le temps et l'espace, qui permet le néant, hors du temps et de l'espace, là où ma conscience n'aura jamais accès. Donc si je veux le néant conscient, je me trompe. Ni la mort ni l'ennui ne m'y conduiront, au contraire. Plus je voudrai mourir, plus je retomberai dans ce que je n'aime pas : la vie. Le seul moyen de réaliser le néant, c'est d'aimer la vie. Et de la vivre. Pleinement, sans peur et sans perdre de temps. Tout vivre.

    LE MONDE EST UN CADEAU QUE JE ME SUIS FAIT, CE QUE JE FAIS AVEC EST MON CADEAU AU MONDE. Si je suis indifférent et si mon passage ne laisse pas de trace, ce fut une vie pour rien. Il faudra recommencer. Je suis là pour créer, pour féconder cet univers que je me suis donné comme réceptacle à ma pensée créatrice.

    Créer c'est vivre. Créer c'est rester jeune. Créer c'est être "Dieu". Créer c'est reconnaître qu'on est magique. Créer, c'est risquer mais créer c'est s'incarner. JOUE LE JEU.

    Il n'y a pas d'enjeu réel à la vie. Il est vrai que rien n'est important. Il est vrai que tout est vain et sans substance, que le monde est un rêve et que l'éveillé sait qu'il rêve. Mais l'éveillé sait aussi qu'il est le rêve lui-même, il ne peut pas ne pas rêver. Alors autant que le rêve soit beau, radieux, heureux. C'est le seul enjeu réel. Je suis. De toute façon je suis. Je ne choisis pas d'être. Alors autant que je sois DANS LA JOIE et non dans la mélancolie paresseuse. DECIDER D'ETRE HEUREUX c'est le choix à faire pour tous ceux qui n'ont pas encore accepté leur incarnation. Le jour où ils l'accepteront, ils se diront : "quel dommage que j'aie perdu autant de temps, toutes ces minutes qui auraient pu être heureuses si j'avais ouvert les yeux !" Au lieu de cela, certains veulent se venger de vivre, en jetant leur malheur à la face des autres dont la présence manifeste la séparation illusoire de l'être en une multitude de destins limités.

    Ces limitations, je cesse de les refuser. Je ne peux pas créer l'indifférencié, sans limites. Créer c'est délimiter, c'est choisir. C'est la somme de toutes les limites du monde, et mes limites personnelles, qui constituent l'illimité de l'infini. Sans chacune de ces imperfections, la perfections du tout ne serait pas. Si je fuis l'imperfection, si je haïs l'existence trop médiocre à mes yeux, si j'ai l'impression de mériter mieux, plus d'amour, plus de paix et d'abondance, c'est que je n'ai pas compris que je suis le serviteur de cette perfection qui a besoin de moi. L'incarnation sert à cela : créer chaque chose permettant de constituer le Tout. Ce tout, c'est ma vraie réalité, mais ma conscience ne peut que s'identifier à une de ces parties, puisqu'elle consiste à placer l'infini à l'extérieur de ses propres limites. Etre conscient c'est être insatisfait. Accepter l'inévitable conscience c'est faire preuve de sagesse, et la conscience suppose de vivre chaque corps, chaque limite, chaque vie, chaque douleur et chaque plaisir. Si je n'accepte pas cela je me nie moi-même, je me détruis, et ce qui aurait pu être une fête devient un océan de larmes. Deviens le "pro-fête".

    Chante la louange de la création dont le seul but est ton éveil à la liberté, par le chemin des servitudes et des injustices. Aime la séparation apparente qui permet l'unité réelle. Aime la solitude de celui qui ne voit que Soi (l'Etre) à l'extérieur de lui-même. Tout cela est bon, tout cela est vrai. Le seul amour possible, c'est l'amour du corps et de la matière universelle. Le tout ne saurait aimer. Ta nostalgie de l'unité est un mensonge. Il n'existe que l'incarnation. Toutes les incarnations. Et les êtres de lumière avec lesquels tu te sentais si bien, avant de naître, sont des être merveilleusement incarnés avec leurs limites si vastes soient-elles. Ils sont purs parce qu'ils s'acceptent. Tu crées le mal en te détestant.

    Les occultistes remarquent souvent en observant les enfants qu'ils apparaissent un peu extérieurs à leur corps : cet esprit personnalisé qui est le leur propre n'est pas encore bien incarné. Il est encore un peu "autour" de l'incarnation.

    C'est un rude travail et une épreuve difficile que de s'incarner. Mais il n'y a plus souffrance si on considère cela comme un jeu de l'esprit. Je suis certes le Tout, mais grâce au fait que je me limite au point de me croire notamment un être humain, parce que tel est le jeu que l'Omniscient en moi a choisi librement, parce qu'il ne peut pas être sans jouer tous les rôles. Cette limitation nécessaire est, sous chaque forme, un jeu. Ici je joue à l'homme, et pour cela j'en prends le déguisement. Ailleurs, le même "je" joue un autre rôle, qui ne me concerne pas pour le moment.

    Lorsqu'un enfant joue, il est bien présent. Il est cow boy, Indien. Il prend son rôle parfaitement à coeur. Il l'incarne à merveille. Mais si on lui dit "c'est pour de vrai ?", il répond "bien sûr que non, je ne suis pas un cow boy". Il sait qu'il joue. Le métaphysicien sait qu'il joue. Aujourd'hui je joue à l'homme, hier je jouais aux dinosaures, demain nous jouerons sans doute à l'archange. En tout cas je fais confiance au créateur en moi qui me donne aujourd'hui un corps humain. Je sais qu'il ne veut que la reconnaissance de ma perfection ; je sais que c'est moi, au fond, qui ai choisi inconsciemment, ce n'est pas maintenant que je vais changer d'avis et vouloir un autre corps. Je dois faire avec.
    Jouer le jeu.

    Certes, ce n'est pas du jour au lendemain que l'on admet avec une telle philosophie que le seul travail à faire ici bas est d'être bien présent là où l'on est, d'accepter pleinement la situation, afin de pouvoir créer mieux par ma volonté consciente, et manifester ainsi que je suis bien l'être créateur. Etre présent dans ce que l'on fait sans penser ni à ce que cela pourrait être, ni à ce qu'on a aimé et qu'on voudrait bien reproduire, ni à ce passé qu'on regrette ou rumine. Rien de tout cela n'existe. Seule existe la situation qu'à l'instant présent je crée. Et c'est celle-là la bonne. Aucune autre n'existe ni n'a d'importance pour moi. Je suis.

    Lorsqu'un occultiste observe quelqu'un qui assume à ce point la responsabilité de sa propre création, qui ne fuit en rien son incarnation, il voit que l'esprit est totalement concentré dans ce corps, et nulle part ailleurs. Sans hésitation. C'est un adulte. Etre adulte, c'est être dans son corps, enfin incarné car enfin accepté avec la vie qui l'accompagne. Tant que je refuse la vie que je me suis donnée, je reste un demandeur et un perdant, attendant tout de papa et maman dont j'entretiens l'image partout et en toutes circonstances (problèmes d'autorité, de timidité etc.). Lorsque j'accepte cette vie comme la bonne, je deviens capable de la changer. Je redeviens maître de mon destin. Telle est ma gloire et "Dieu" en moi est en joie. C'est par ses rires que l'enfant dit "merci". Remercier est le moyen de l'indépendance.

    On se demande parfois à quel moment l'âme incarne le corps. Parfois elle ne l'incarne jamais, perpétuellement en fuite face à soi-même. Mais lorsque l'homme en joie dit : "je suis, présent, j'aime et je crée, sans peur de me retrouver face à moi-même, jusqu'à mes ombres et dernières limites", alors il peut dire qu'il est né, et personne d'autre que lui-même ne lui a donné la vie. [...]



    Source : site de Franck Hatem

     

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  • Commentaires

    1
    Citoyenne du Monde
    Vendredi 27 Mai 2011 à 22:50

    Excellent. Merci pour ce récit ! Je me suis incarnée l'année dernière : âme, conscience, et corps, suite à une fausse couche. Depuis j'essaye de me lever, pleinement consciente de mon but mais je suis engourdit. Je ne sais pas encore marcher. A plus de trente ans je réapprends à marcher. J'accepte mon incarnation. Mais avancer ne se fait pas de jour au lendemain. Je tombe encore, je titube, je me relève, je me cogne. Mais J'AIME ce que je vis. Votre texte en excellent, réconfortant et décrit très bien "les différentes "phases" ressenties" lors d'une incarnation. MERCI beaucoup. Je vous souhaite un agréable week-end.

    Une Simple Citoyenne du Monde

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